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À propos du livre "Psychologues sur le qui-vive"





Récemment paru, ce livre nous alerte sur les menaces qui pèsent sur la profession de psychologue, la formation, le titre, l’exercice, et nous invite à lutter pour défendre « l’unicité du titre et la diversité des pratiques ».

Les textes officiels, émanant d’instances comme l’Académie de médecine ou de la Haute Autorité de Santé, sont lus et décryptés pour nous. Les autrices dénoncent cette volonté politique de légiférer pour mieux contrôler et orienter les praticiens, pour confisquer au psychologue le champ de son exercice et au patient le choix de son psychologue dans une pluralité d’approches. C’est une « tentative de mise au pas »[1], disent-elles.

Le psychologue est formé à l’université des sciences humaines et sociales et non en faculté de médecine. Ce n’est pas un professionnel de santé.

L’université délivre un titre unique de psychologue, qui lui permet d’exercer dans le libre choix de ses méthodes et de ses orientations, conformément au code de déontologie.

Sur ces fondements historiques, il s’agit de défendre la liberté et la responsabilité qui en découlent.

« Santé mentale », ce syntagme doit retenir notre attention. « La consistance des pathologies qui ont donné lieu à la patiente construction de catégories […] s’étiole. Trois destins les menacent : l’effacement [...], la décrédibilisation [...], et la revendication »[2]. De nouvelles catégories diagnostiques prolifèrent, HPI, TSA, TDAH, etc., qui font communautés et sous lesquelles vont se ranger des sujets de droits. La singularité s’efface sous le particulier.

« Au nom du bien », c’est donc la volonté de normalisation qui se profile, lénifiante et autoritaire.

Décryptant les discours qui organisent les politiques de santé, les autrices de ce livre dévoilent l’idéologie qui est à l’œuvre, celle du tout-neuro. Idéologie, « par définition, parce que son corpus doctrinal vise à rendre compte de comportements, appropriés ou non, et à les modifier en fonction d’un idéal : celui de l’adaptation à une norme (ici de fonctionnement) »[3].

Ce ne sont pas les progrès de la médecine en matière de neurologie qui sont en cause, c’est la tentative de réduire l’être humain, ses actes, ses sentiments, ses affects, à son cerveau, de considérer sa souffrance et ses symptômes comme des troubles à rééduquer, d’appréhender le langage comme un outil de communication, de ramener le corps à l’organisme.

Dans cette perspective, « le sujet moderne est un autoentrepreneur, il est supposé savoir « gérer » sa vie, son corps, ses biens »[4].

Refusant le sujet pris dans les filets du signifiant, avec son histoire, sa singularité, sa folie, la santé mentale a le vent en poupe, évaluable, contrôlable, avec un objet pour parer au manque.

C’est une idéologie scientiste, « parce que, se référant à la science et s’en justifiant, elle fait fi de la complexité de son objet et de son ambition d’exactitude, pour faire la promotion de l’auto-affirmation d’un sens, qui confine à la certitude d’un dogme. […] La causalité est matérielle »[5].

Le psychologue ne serait-il alors qu’un technicien garant de l’harmonie, lui-même instrument de cette vaste entreprise de l’autonomie et de l’autodétermination ?

Que nenni ! Les autrices de ce livre sont « vent debout », opposant leur désir de savoir, l’éthique de la clinique, résolument au chevet du patient, l’accueil de sa parole. « Notre pratique d’écoute des patients est indissociable de la découverte freudienne de l’inconscient, indissociable de la prise en compte, dans notre pratique, des concepts de répétition, de pulsion, de refoulement, de transfert. L’enjeu est que le signifiant « clinique », qui permet de maintenir l’attention des professionnels sur la singularité de chaque patient, ne s’efface pas »[6].

Toujours, dans le sujet quelque chose excèdera, objectera à la maîtrise et à « la fureur d’éduquer »[7], la jouissance, marque du vivant, trouvera toujours à itérer dans le symptôme. Ce qui rate, ce qui cloche, c’est ce qui fait la dignité du sujet.

Ce livre est à mettre entre toutes les mains : collègues, étudiants, patients, journalistes, élus, citoyens, car il informe et donne des clés pour débusquer les promesses fallacieuses.

Avec ce livre, disons-le, les psychologues sont sur « le qui-vive » car, comme le disent ses trois autrices, citant Freud, « quand on cède sur les mots, on cède sur les choses »[8].



[1]     Albert S., Colombel-Plouzennec A., Georges-Lambrichs N., Psychologues sur le qui-vive, Nîmes, Champ Social éditions, coll. Tag, p. 36.

[2]     Ibid., p. 39-40.

[3]     Ibid., p. 63.

[4]     Ibid., p. 53.

[5]     Ibid., p. 64.

[6]     Ibid., p. 92.

[7]     Ibid., p. 69.

[8]     Freud S., « Psychologie collective et analyse du moi », 1921, Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 2001.

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