Sous la direction de Patrick Landman, l’ouvrage collectif intitulé « Ce que les psychanalystes apportent aux personnes autistes » présente, de manière inédite en France, la diversité des apports des psychanalystes aux personnes autistes. Réunissant des psychanalystes d’écoles et de courants doctrinaux différents, ces auteurs de référence[1] témoignent – au-delà de leurs divergences – de ce sur quoi ils se rassemblent. Ils ont en commun une conception éthique de l’accompagnement des personnes autistes consistant à aborder chaque personne autiste comme un sujet. Des points fondamentaux dans l’abord de l’autisme sont ainsi dégagés : « la reconnaissance de l’intensité des terreurs autistiques, de la souffrance des familles, l’importance de l’advenue du sujet dans la construction psychique, l’accès à la symbolisation[2]».
En avant-propos de cet ouvrage, Patrick Landman explicite la visée politique de ce livre : destiné à un large public, comportant des articles de psychanalystes, des témoignages de parents et d’une personne autiste, il vise à démontrer l’absurdité des préjugés qui cherchent à dénigrer l’apport des psychanalystes aux personnes autistes. Et, ce faisant, à dénoncer les stratégies de quasi marketing qui s’appuient sur trois piliers : « Communication, attaques juridiques et lobbying. Le tout revendiqué au nom de la science, dont les supposées preuves servent avant tout à promouvoir les techniques comportementales et leur exclusivité dans ce champ[3]».
À la lecture de ces nombreux articles de référence, un point essentiel se dégage et se démontre : l’absolu respect et la grande considération apportée à chaque personne autiste. En valorisant l’intérêt spécifique des personnes autistes, en conseillant un « doux forçage[4]», qui prend appui sur une pratique à plusieurs et permet de prendre en compte les défenses autistiques, les auteurs s’accordent sur le point qu’indiquait Lacan : « il y a quelque chose à leur dire[5]».
Il s’agit d’une approche qui ne vise ni une normalisation des comportements, ni une rééducation autoritaire, mais un respect des peurs et des angoisses qui prend appui sur le dispositif transférentiel. Les nombreux articles que comportent cet ouvrage déplient, chacun avec rigueur et inventivité, un abord inédit de la question de l’autisme.
Cet ouvrage comporte également une partie « Recherches et évaluations » dans laquelle le lecteur trouvera des contributions sur l’évaluation scientifique de l’efficacité des cures psychanalytiques avec des autistes[6].
Il y prendra notamment connaissance d’une étude statistique démontrant ce que la psychanalyse a permis à l’enfant autiste : s’animer ! « L’enfant semble joyeux, ses communications sont chargées d’affect, il transmet une humeur de bien-être[7]». Parmi les critères les plus probants démontrant l’effet positif des psychothérapies d’orientation psychanalytique, est cité, en premier lieu, l’attitude générale du thérapeute : il est impliqué et sensible aux sentiments de l’enfant[8]. Puis, l’ajustement de la pratique : le thérapeute s’adapte au niveau de développement de l’enfant, ses interventions ne sont donc pas standardisées, mais adaptées.
Cette étude réalisée par Jean-Michel Thurin a particulièrement retenu mon attention, en vue de notre soirée-événement de ce lundi 17 octobre. En effet, les auteurs de la brochure « Pour un abord psychanalytique de l’autisme » se sont intéressés à ces récentes études statistiques démontrant la pertinence de la psychanalyse dans l’abord de l’autisme.
Qu’est-ce qui, mieux que les témoignages de personnes autistes ou de parents d’enfants autistes, peut démontrer la pertinence de cette approche ? Dans la dernière partie de ce livre, particulièrement émouvante car composée de témoignages très sensibles[9], des parents témoignent du caractère irremplaçable de cette écoute particulière qu’a été celle d’un(e) psychanalyste.
Celui de Françoise Rollux m’a beaucoup touchée. Elle observe l’attitude du psychanalyste envers son fils : une attitude faite de finesse, de délicatesse et de patience. Le tact de cet analyste lui permet de s’engager, elle aussi, dans un travail analytique qui lui permet de sortir de l’angoisse incessante ressentie devant l’expression de la souffrance de son fils : « L’analyse m’a fait prendre conscience qu’il fallait que je fasse un pas de côté, que je laisse Boris exister », dit-elle. Elle souligne le travail long et délicat que mère et fils entreprennent, chacun de leur côté. « Ma thérapie psychanalytique (…) m’a permis de déculpabiliser et de décoller de mon fils ». Celui-ci progresse à son rythme, et surtout, souligne-t-elle, « sans dégâts, sans le robotiser ! » « L’analyste l’a aidé à se construire un moi, un corps avec une enveloppe qui le protège. Il l’a fait naître en quelque sorte ! »
Elle conclut ainsi son précieux témoignage – qui devrait être mis entre les mains de tous ceux qui doutent de l’effet thérapeutique de la psychanalyse dans l’abord de l’autisme : « La psychanalyse a été notre bonne étoile pour trouver notre chemin dans un univers sombre, sans repères, périlleux et nous permettre de gagner des contrées plus belles et plus apaisées[10]».
Gageons que le rendez-vous de ce soir contribuera, avec ce précieux ouvrage, à aider chacun, chacune à cerner les enjeux et la pertinence de l’abord psychanalytique de l’autisme !
[1]. Patrick Landman, Denys Ribas, Jacques Hochmann, Catherine et Alain Vanier, Marie Selin, Hélène Suarez-Labat, Didier Houzel, Jean-Claude Maleval, Tristan Garcia-Fons, Nora Markman, Chantal Lheureux-Davidse, Dominique Tourres-Landman, Pierre Delion, Bernard Golse, Jean-Michel Thurin.
[2]. Ce que les psychanalystes apportent aux personnes autistes, sous la direction de Patrick Landman et Denys Ribas, Édition Érès, quatrième de couverture.
[3]. Ibid., p. 307.
[4]. Cf. Jean-Claude Maleval, « L’approche psychanalytique orientée par le bord autistique ».
[5]. Ibid., p. 125.
[6]. Ibid., p.229.
[7]. Ibid., p. 237.
[8]. Ibid.
[9]. Témoignages de Simon Marie, Mireille Battut, Françoise Rollux, Patrick Sadoun, Philippe Marie Reliquet.
[10]. Ce que les psychanalystes apportent aux personnes autistes, op. cit., p. 282.
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