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René Fiori

Se débarrasser du lien social au patient : un gain de temps et de coût !





La recherche en santé mentale va bon train au Royaume-Uni, comme en Europe. Elle se déploie notamment autour du développement d’applications à visée thérapeutique ou de soutien. Ainsi apprend-on l’existence de quelque dix-mille applications dans ce domaine, dont une faible proportion a été évaluée de manière rigoureuse. Un projet spécifique est notamment en cours[1] portant sur le traitement de la dépression, recherches financées par la Commission européenne.

Pour le moment, les résultats sont maigres : « Une application mobile d’auto-assistance par thérapie cognitivo-comportementale (TCC) semble retarder une progression des symptômes de dépression mais pas de manière durable par rapport à une appli d’autosurveillance, tandis qu’une appli de compétences émotionnelles ne s’est pas montrée efficace. Voilà les trois sortes d’applications dans lesquelles sont investis les moyens.

L’enjeu semble considérable pour les instances dirigeantes, car, est-il précisé, « les actions de prévention primaire dans la dépression semblent n’avoir qu’un effet modeste et demandent des ressources humaines considérables ».

Jusqu’à Jean Delay, la dépression a longtemps renvoyé à la notion de tonus neuropsychique[2] qui incluait toutes sortes d’états psychopathologiques. Puis l’accent a été mis sur la dimension affective, et le concept de trouble de l’humeur.

Dans le récit rapide que Freud fait de quelques-unes des cures de ses patientes à son ami et collègue Wilhem Fliess[3], il n’utilise pas ce terme de dépression, mais ceux de mélancolique ou de mélancolie.

Pour l’une d’entre elles, il s’agit bien de dépression, malgré la traduction du terme mélancolique par triste. « Une patiente (que j’ai tirée d’affaire grâce à la clé du fantasme) était sans cesse plongée dans le désespoir par la triste[4] conviction de n’être bonne à rien, incapable de faire quoi que ce soit ».

Freud l’a tirée d’affaire en la recevant pendant deux ans. Que nous dit cette indication temporelle, sinon que le psychanalyste a pris le temps et la peine de mobiliser le désir du sujet, pour accéder au savoir refoulé. Une mobilisation aussi thérapeutique que le savoir rendu accessible, tant au patient qu’au praticien. L’un sans l’autre sont comme des éléments dépareillés.

L’application susceptible, en quelques clics, de mobiliser le désir d’un sujet pour accéder au savoir refoulé n’existe pas. C’est pourquoi aucune recherche ne peut stipuler un tel projet. Le lien social psychanalytique coûte, mais il est aussi garant de tous les autres types de lien, qui tous se soutiennent du désir. La patiente tirée d’affaire a ainsi pu reprendre ses affaires courantes et ses relations quotidiennes.



[1]Luu Ly Do, « Dépression: intérêt d’une appli mobile d’auto-assistance par thérapie cognitivo-comportementale chez les jeunes », disponible par internet.

[2] Porot A., Manuel alphabétique de psychiatrie, Paris, 1996, p.188.

[3] Freud S., Naissance de la psychanalyse, Lettre N°102 du 16/1/1899, Paris, PUF 1979 ; Aus den Anfängen der Psychoanalyse, 1887-1902, Briefe an Wilhem Fliess, Fischer Verlag.

[4] Melancolischen.

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