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Dominique-Paul Rousseau

Une bouffée d’oxygène





Dans le désert d’offre de parole du « tout neuro[1]», enfin une oasis d’observations, d’analyses et de réflexions pondérées sur la complexité de la « santé mentale » des enfants ! Nous y abordons grâce au « Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge », chargé depuis 2016 de « formule[r] toute proposition de nature à garantir le respect des droits et la bientraitance des personnes vulnérables à tous les âges de la vie ainsi que la bonne prise en compte des questions éthiques[2] » auprès du premier ministre et tout ministère concerné. Le titre de son tout récent rapport[3] : « Quand les enfants vont mal : comment les aider ? » est à lui seul une mise en cause du scientisme régnant, car la question fait entendre qu’il ne peut y avoir une réponse exclusivement médicale et médicamenteuse. Telle est pourtant la tendance lourde aujourd’hui en France[4].

Arrêtons-nous sur un point auquel nous sommes sensibles : « les pratiques psychothérapeutiques avec les enfants[5] ».

La crise de la pédopsychiatrie française, chronique depuis des années n’a pas fait baisser la demande de soin psy. Celle-ci n’a jamais été aussi élevée. Rétablir une offre de soin de qualité dans des « lieux d’accueil, d’écoute et de traitement » fondée sur « une mise en synergie des différentes familles de psychothérapies » paraît donc urgent. Le Haut Conseil insiste sur « la spécificité et la diversité des approches psychothérapeutiques qui font la richesse des pratiques de soin adressées à l’enfant ». Il conçoit l’exercice du soin psychique « au plus près des lieux de vie et d’éducation des enfants[6] », « pour le maintien de l’enfant dans son environnement, en particulier scolaire et familial[7] ». Il est rassurant de lire dans ce document que le soin psychique ne cible pas exclusivement le cerveau déterminé par sa dopamine, mais « un enfant sujet, considéré dans sa parole, son histoire, son rapport au corps, au langage, aux autres et au lien social, et dans le respect de ses droits », c’est-à-dire, au fond, un sujet divisé par le signifiant de la psychanalyse.

Des « repères » essentiels nous sont donnés pour aborder la multiplicité des méthodes de soins psychiques : « la conversation avec l’enfant » et « la relation thérapeutique », l’invention par le sujet « de ses propres solutions », la prise en compte de « la singularité de l’enfant » impliquant « la personnalisation de la relation thérapeutique ». Le but thérapeutique est que chaque enfant développe un « savoir-faire » à sa main, capable « de pacifier son rapport à lui-même, au lien social et à ses acquisitions », a contrario de l’éradication ou de l’étouffement de ce même rapport par un traitement médicamenteux systématique, spécialement problématique quand il est proposé à défaut d’un lieu de parole ou par toute méthode de conditionnement. À cet égard, le Haut Conseil rappelle que « les approches pluridisciplinaires » sont toutes au bénéfice de la pluralité des enfants et de leurs familles. Loin de rendre responsables les parents de la souffrance de leur enfant, le rapport nous invite à en faire de véritables « participants logiques » du soin. Voilà qui nous conforte dans notre détermination à ne pas céder sur notre formation freudienne.

En bref : ce rapport sur les enfants « qui vont mal » fait du bien aux psychologues freudiens !



[1]. Cf. Castanet H., Neurobiologie versus psychanalyse, Paris, Navarin, 2022.

[2]. « Le HCFEA », disponible sur internet.

[3]. « Quand les enfants vont mal : comment les aider ? », rapport adopté le 7 mars 2023, disponible sur internet.

[4]. Charlène Catalifaud, « Santé mentale des 6-17 ans : la prescription des psychotropes a plus que doublé entre 2010 et 2021, le manque de moyens mis en cause », Le quotidien du médecin, 13 mars 2023, disponible sur internet.

[5]. « Quand les enfants vont mal : comment les aider ? », op. cit., p. 120-123.

[6]. FDCMPP, Missions Socle des CMPP, février 2022, disponible sur internet, p.4.

[7]. Ibid., p.5.

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