top of page

Désordre dans le discours scientifique du TDHA



Valérie Bussières
.pdf
Download PDF • 616KB


Véritable monopole du diagnostic, le TDAH qu’on ne présente plus, étiquette les enfants d’aujourd’hui[1]. Vouloir en savoir plus sur les causes de ce mal issu de la clinique du regard sera récompensé de façon étonnante. Parti sur la route des hypothèses étiologiques biologiques, neurobiologiques et génétiques, on arrivera sur le chemin sinueux des biais scientifiques et des conflits d’intérêts quant à la démonstration des causalités de ce trouble.

Si sur le site de l’assurance maladie à la définition du TDAH, il est précisé : « les causes restent à ce jour inconnues »[2], il n’en demeure pas moins que dans le paragraphe « Origine du TDAH » une dimension biologique est mise en avant, avec une éventuelle « composante héréditaire », des « facteurs de risques liés à la période néonatale » et le « dysfonctionnement de certains circuits cérébraux ». Or on apprend avec François Gonon, neurobiologiste et directeur au CNRS, que les études génétiques qui ciblaient la neurotransmission dopaminergique […] ont été invalidées par les études ultérieures »[3] et que « la multiplication des études en imagerie cérébrale n’a pas permis de mettre en évidence chez les patients d’indiscutables anomalies structurelles ou fonctionnelles »[4].

Alors que les démonstrations biomédicales du TDAH sont dans une impasse, le discours scientifique comporte des distorsions graves, quand il n’est pas entaché de « fraude scientifique »[5]. L’ouvrage collectif dirigé par Sébastien Ponnou intitulé À l’écoute des enfants hyperactifs : le pari de la psychanalyse, paru en 2022, mais aussi le très pondéré rapport du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA) nommé « Quand les enfants vont mal, comment les aider ? », diffusé le 7 mars 2023, nous offrent chacun un état des lieux et des lectures rigoureuses des textes de référence sur les épineuses questions :

- des biais de publication (seules les études initiales sont médiatisées, les études contradictoires sont passées sous silence),

- de l’embellissement des résultats (amplification des résultats par les médias), de l’interprétation abusive (confusion entre interaction et causalité)

- ainsi que des distorsions[6].

Enfin, l’influence de l’industrie du médicament est repérée à plusieurs niveaux : le financement des études qui concluaient à une importante prévalence du TDAH en France, et l’orientation de l’association Super-Super TDAH France qui prône l’approche biomédicale du TDAH. On découvre aussi que l’association TDAH France influence directement les politiques de santé, notamment en participant à l’élaboration des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS)[7].

Ainsi est remis en cause le bienfondé de la prescription de méthylphénidate dont l’augmentation de prescription en 10 ans aura été de 116 %[8] alors que le nombre de consultations en CMPP a été divisé par quatre.

Ces résultats nous reconduisent logiquement à l’enjeu fondamental éthique des soins à proposer aux enfants.



[1] Sayal, K., Prasad V., Daley D., Ford T.,& Coghill D., (2018) ADHD in children and young people : prevalence, care pathway, and service provision. The Lancet Psychiatric, 5(2) 175-186, cité par S. Ponnou, « Impasse des approches biomédicales, nécessité de la psychanalyse : le cas de l’hyperctivité/TDAH, A l’écoute des enfants hyperactifs, Nîmes, champs social, 2022, p. 53.

[2] L’Assurance maladie, « Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité de l’enfant (TDAH) », disponible sur internet.

[3] Gonon F., « Le discours scientifique concernant le TDAH : évolution, analyse critique et interrogation », A l’écoute des enfants hyperactif, op. cit., p. 19.

[4] Ibidem, p. 23, référence citée par François Gonon : Cortese S., Aoki, Y. Y., Itahash, T., Castellanos, F. X., & Eickhoff, S. B., (2021). Systematic Review and Méta-analysis : Resting-State Functional Magnetic Resonance Imaging Studies of Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry, 60 (1), 61-75.

[5] Ponnou S., « Impasse des approches biomédicales, nécessité de la psychanalyse : le cas de l’hyperctivité/TDAH, À l’écoute des enfants hyperactifs, op.cit., p. 71.

[6] Rapport du HCFEA, p. 90-98., consultable en ligne.

[7] Ponnou S., « Impasse des approches biomédicales, nécessité de la psychanalyse… », op.cit., p. 75.

[8] Ponnou S., Thomé B., 2022, ADHD diagnosis and methylphenidate consumption in children and adolescents: A systematic analysis of health databases in France over the period 2010-2019, Frontiers in Psychiatry, 13, 957242-957242.


588 vues0 commentaire
bottom of page