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Anne-Sophie Delaleu

Incompétence légalisée pour tous

Anne-Sophie Delaleu


Un dernier rapport de l'académie nationale de médecine, du 18 janvier 2022, produit d'un groupe de travail de professeurs de médecine honoraire, peine, en une dizaine de pages, à diagnostiquer le point faible, le défaut du décret relatif à l'usage légal du titre de psychothérapeute, en France, et tacle la formation de leurs pairs éminents, les psychologues cliniciens.

Sous le titre « Psychothérapies : une nécessaire organisation de l'offre », la commission en charge de ce rapport ne parvient à faire le distinguo entre formation en psychopathologie et formation à la psychothérapie.

En effet, nous le savons fort bien, la formation requise par l'article 52 de la loi 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, autorisant l'usage du titre de psychothérapeute, ne s'appuie que sur la base d'une formation psychopathologique considérée comme suffisante et sans aucune référence à une formation à la psychothérapie : « Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir les professionnels souhaitant s'inscrire au registre national des psychothérapeutes. Il définit les conditions dans lesquelles les ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur agréent les établissements autorisés à délivrer cette formation. L'accès à cette formation est réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse ».

Sous l'intitulé très général « Formation et droit au titre », le propos de ce rapport de l’académie de médecine vise à jalonner, tant les études médicales spécialisées en psychiatrie, que généralistes, en matière de formation à la psychothérapie devine-t-on. Est-ce à cette aune-là que le cursus des études en psychologie apparaît si opaque aux auteurs ? Le regret en effet, voire la suspicion exprimée par les auteurs de ce rapport, porte sur le contenu des enseignements de la formation des psychologues cliniciens, sur le défaut de formation à la psychothérapie, à l’instar de la formation médicale, ce contre quoi nous nous insurgeons avec force.

En appliquant à l'étude du psychisme humain les méthodes des sciences exactes, la psychologie cherche, dans la 2ème moitié du XIXème siècle, à échapper à l'introspection vouée à l'inobservable et au non quantifiable.

Henri Pieron, en 1942, l'énonce en ces termes « La Science et la Philosophie sont restées longtemps confondues. Ce qui caractérise la Science, c'est l'appel à la vérification, la subordination de la théorie aux faits, l'esprit expérimental, tandis que la Philosophie se satisfait dans une cohérence logique interne et se limite progressivement aux problèmes qui ne peuvent pas être soumis au contrôle de l'expérience ».

Ainsi les premiers psychologues, tel Wilhelm Wundt, philosophe converti à la physique et à la physiologie, est à l'origine des premières tentatives pour rendre scientifique l'étude du comportement humain. Il se lance dans une mesure en laboratoire des variations de perception entre sujets sur les différents sens (exemple, l’expérience subjective associée à l'écoute d'un métronome).

Si le champ de l’évaluation prend dès lors son essor en psychologie, les premiers cliniciens en milieu scolaire, tel Alfred Binet, attirent l’attention sur l’importance de nouvelles variables qui tiennent à l’individu même et à son groupe d’appartenance.

Comment faire table rase de l'histoire de la psychologie, des fondements de la discipline comme de la profession de psychologue ? C’est d’une identité professionnelle dont il est question.

Chargée d’enseignement à la Faculté des Sciences Humaines et Sociale de l'Université Catholique de l'Ouest à Angers, je puis témoigner de la formation solide et qualifiante des jeunes psychologues cliniciens, dont l'orientation psychanalytique est centrale, et leur sert de boussole dans l’orientation de leur pratique.

Outre les enseignements théoriques, méthodologiques et techniques, une professionnalisation avec des stages, du tutorat, de l'analyse de la pratique, des présentations cliniques, constitue un tronc commun au Master ; des unités d'enseignements spécifiques sont déterminés selon le parcours choisi.

Rappelons que la profession de psychologue est la seule profession réglementée, gérée par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, nécessaire à l'application de l'article 44 de la loi 85-772 du 25 juillet 1985 stipulant que « L'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle... ».

Actuellement, un psychologue qui va s'inscrire sur les liste ADELI de son département a encore la possibilité de refuser le titre de psychothérapeute, qui lui revient de droit. L'exercice professionnel du psychologue, comportant des missions de suivi psychothérapique individuel ou de groupe, n'est pour l'instant pas dépendant du label « psychothérapeute ».

Pour combien de temps encore ?

Voilà le danger.

L’Association des psychologues freudiens se mobilise pour la défense et la promotion d’une pratique de psychologue orientée par la psychanalyse. Nous souhaitons que le titre de psychothérapeute, ainsi que celui de psychologue ne devienne pas l’apanage de « psy-acrédités » mais reste – de droit- un titre dont disposent les psychologues, quelle que soit leur orientation clinique.

C’est l’orientation psychanalytique de très nombreux psychologues cliniciens qui est clairement remise en question dans ce rapport. À cela nous nous opposons fermement !

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