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À marche forcée…

Claire Ballongue


À lire attentivement le chapitre du rapport de l’académie nationale de médecine intitulé : « De nécessaires évolutions », nous ne pouvons nous empêcher de nous référer à la définition première proposée par Le Robert. Évolution : « mouvement réglé de troupes » ! Et c’est bien à une volonté de mise au pas forcée à laquelle nous avons affaire…

Ce chapitre s’ouvre d’emblée sur la question du remboursement de « thérapies brèves non médicamenteuses, pour les troubles psychiques dits légers ».

En toile de fond, la question se pose de comment répondre à la pénurie de médecins généralistes, de médecins psychiatres et à l’embolisation de la psychiatrie publique.

Rien n’est envisagé, dans ce chapitre, qui permettrait de renforcer le service public déjà existant. La visée, selon une logique médico-économique libérale, est de trouver la façon d’ouvrir le soin vers les psychologues en libéral.

Que les psychologues ne soient pas des professionnels de santé soumis à prescription médicale et qu’ils ne soient pas remboursés par l’assurance maladie pose alors problème.

Le rapport de l’IGAS n°2019-002R pointe[1] la difficulté pour les médecins généralistes d’orienter vers les psychologues « en raison de leur coût ». Il ajoute que « ce frein à l’accessibilité des consultations psychologiques a suscité des travaux […] qui ont notamment amené le gouvernement britannique en 2008, à rembourser les thérapies pour les personnes dépressives sous certaines conditions ». Est mentionné là, le programme IAPT, qualifié par Thomas Rabeyron de « Tsunami cognitivo-comportemental ». Celui-ci se demande, dans son article de 2019, s’il est encore temps pour la France d’éviter la catastrophe britannique.

Un nombre assez conséquent d’expérimentations a été mis en place sur le territoire français à partir de régions dites pilotes.

Quels sont les points communs de ces différentes expérimentations ?

  • Elles s’adressent à des patients présentant des « troubles psychiques légers à modérés ».

  • Sur prescription médicale, le psychologue procède à un bilan avec recommandation d’échelles d’évaluation à utiliser.

  • 1 à 8 ou 10 séances d’accompagnement psychologique, selon les expérimentations, sont ensuite prescrites.

  • Si le soin s’avère insuffisant, après consultation par un psychiatre, 1 à 10 séances complémentaires de « psychothérapie structurée » peuvent être proposées. C’est le cas du projet expérimental : « Dispositif de soins partagés en psychiatrie en Haute Garonne ». Qu’est-ce qu’une psychothérapie structurée ? C’est une approche d’intervention en santé mentale qui est systématique, à court terme et fondée sur des « données probantes » (Sic !)

  • Le montant dérisoire des séances accordé aux psychologues.

Le rapport fait ensuite référence aux structures labellisées de réhabilitation dites de proximité ou de recours, lesquelles accueillent les « personnes avec des troubles psychiques sévères stabilisés ». La réhabilitation cherche à « s’appuyer sur les capacités cognitives préservées des patients afin de pallier les difficultés s’exprimant sur le plan cognitif, les difficultés de cognition sociale, les troubles de l’insight, la perte d’autonomie ». Les outils utilisés, seuls outils mentionnés dans ce chapitre, sont : les TCC, la psychoéducation, la remédiation cognitive.

Tout cela ressemble fort au dispositif Monpsy… Un nombre limité de séances, sur prescription médicale, à un coût dérisoire, et un glissement de la psychothérapie vers l’accompagnement psychologique. Le pas de plus est la référence express à l’usage de méthodes fondées sur des preuves, sous-entendu, les TCC…

Une flèche dénonçant la formation et l’usage du titre de psychologue clinicien est ensuite portée et ce, afin de justifier de la nécessité d’uniformiser la formation entre universités, et de faire entrer la profession dans le champ des professions de santé.

Notons d’ailleurs, que la prescription médicale leur tient tellement à cœur que lorsqu’ils font référence aux 4 séances de psychothérapie remboursées par les mutuelles, est ajouté « sur prescription médicale » là où il n’en a jamais été question. Les mutuelles remboursent sur présentation d’une facture rédigée par le psychologue…

Il s’agit donc là, en réalité, d’une logique économique au rabais faisant fi de la qualité des soins, de l’éthique du sujet, de l’attention toute singulière indispensable à apporter à chaque sujet en souffrance psychique.

À cela, nous, psychologues freudiens, nous disons non !

[1] Rapport IGAS 2019, p.37

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