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Bonjour frayeur, le monde des Playmobils !



Les psychologues dans leur majorité ne veulent pas devenir une profession paramédicale. Ils veulent garder leur autonomie de travail dans la rencontre qu’ils ont avec les sujets. Ils rejettent la prescription et sont ouverts à l’indication. Ils ne sont pas systématiquement opposés aux remboursements par la sécurité sociale ou les mutuelles de santé.

La prescription est définie comme un acte par lequel un professionnel de la santé ordonne des recommandations thérapeutiques pour un malade. Elle astreindrait donc les psychologues à une commande médicale. Cette commande peut évoluer au fil des années. En effet, si aujourd’hui nous avons la prescription huit séances « psy[1] », et peu importe finalement la réponse que le psychologue apporte pourvu qu’elle soit efficace, demain, nous aurons des demandes de plus en plus ciblées, du style : faire un bilan de personnalité, évaluer les capacités intellectuelles ou encore les capacités mnésiques. La commande va donc obligatoirement changer au fil du temps et il faudra y répondre avec la bonne pratique, au risque d’être exclu du système de santé.

Pourquoi donc cette volonté farouche de disqualifier et de diviser les psychologues ? La rencontre avec le patient qui nécessite la liberté du psychologue[2], va se trouver reléguée au second plan. L’éthique est donc malmenée. Comment peut-on accueillir le mal-être ou le symptôme très intime de nos patients en voie de constitution ou constitué, alors qu’il nous est demandé une évaluation quantitative ? C’est une question de santé publique et de société, donc une question éminemment politique[3], comme nous le rappelle Philippe La Sagna[4] lorsqu’il reprend le séminaire de Jacques Lacan dans sa séance du 10 mai 1967 : « L’inconscient c’est la politique[5] ».

Le symptôme, tel que Freud a pu le définir, s’il n’est pas accueilli comme il se doit, se traduira dans la société par un désordre, à l’école par un trouble ou encore sur le corps par une manifestation somatique entraînant des frais de santé. Ou encore pourrons-nous assister au développement de la culture de la victimisation présente dans le wokisme et que notre ancien ministre, Jean-Michel Blanquer[6], a pourfendue.

Pour développer davantage la place que nous occupons dans le monde du soin et la liberté dont nous disposons nous pouvons dire ceci :

Il s’agit tout d’abord d’une conquête ancienne puisque le titre et les décrets[7] parus dans les années 1980 donnent aux psychologues des droits quant à la liberté du choix des méthodes. Si demain l’exercice des psychologues cliniciens est codifié et règlementé dans le livre des bonnes pratiques, quid de la psychanalyse ? Elle sera éjectée de toutes les institutions de soins, de l’université, de l’institution judiciaire parce qu’elle ne répondra pas aux bonnes pratiques validées par l’État. Quid du réel ? Il est de moins en moins accueilli, puisque les dispositifs psychanalytiques, présents dans les institutions, seront démolis. Le domaine des professions de santé, ou encore dit paramédical, est régi par des règles auxquelles nous serons soumis. Si nous y dérogeons, nous pourrons être rappelés à l’ordre pour inconvenance.

Ensuite, si aujourd’hui nos études se font à l’université des sciences humaines, pourquoi demain ne se feraient-elles pas dans un institut de formation paramédicale au même titre que les infirmières ou les kinésithérapeutes ? Nous serons forcément assignés à apprendre des techniques, à suivre des protocoles pour répondre aux problèmes psy rencontrés. Si certains adhèrent à cette démarche, d’autres y sont farouchement opposés.

Comment demain la remise en question personnelle du professionnel sera-t-elle possible ? Plutôt que de s’adapter à chacun et de favoriser l’élaboration, il s’agira davantage de techniciser et de généraliser nos réponses pour éliminer le désordre.

Comment pourrons-nous accueillir les bizarreries symptomatiques et les dires très intimes d’un être humain dans des dispositifs où la fonction de la parole est déclassée ?

Comment, pour finir, pourrons-nous également participer à faire cheminer nos patients vers leurs particularités, leurs singularités, vers ce qui les désigne dans le monde comme uniques ? La tendance à l’uniformisation prendra une tournure supplémentaire et viendra correspondre de manière idoine au discours capitaliste pour lequel l’avoir est privilégié à l’être.

Bonjour frayeur. Le monde des Playmobils est en marche !

[1] « MonPsy », disponible sur internet.

[2] Florence Gautier-Dalché, « Responsabilité, résistance et liberté du psychologue clinicien en CMPP », in Inventer avec l’enfant en CMPP, Toulouse, Érès, 2010, disponible sur internet.

[3] La Sagna P., « L’inconscient, c’est la politique », Studio Lacan, 4 décembre 2021, disponible sur internet.

[4] La Sagna P., « L’inconscient, c’est la politique », L’Hebdo Blog, n° 258.

[5] Lacan J., (1966-1967) Le Séminaire, Livre XIV, « La logique du fantasme », leçon du 10 mai 1967.

[6] Blanquer J-M., « La France et sa jeunesse doivent échapper à l’idéologie woke », paru dans le journal Le Monde, 18 octobre 2021.

[7] Syndicat national des psychologues, « Les textes réglementaires », disponible sur internet.

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