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Le rapport du Haut Conseil dédié à la santé mentale de l’enfant est-il «scientifiquement fondé» ?



Valérie Bussières
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Le rapport du Haut Conseil dédié à la santé mentale de l’enfant propose un état des lieux et formule des pistes de soins pour améliorer la santé mentale de l’enfant. Il « doit également permettre de discuter les enjeux diagnostics, thérapeutiques, les parcours de soin et d’inclusion des enfants en situation de souffrance psychique en France »[1]. Après une enquête approfondie dont nous examinerons le sérieux, la conclusion est tombée : les enfants vont mal. Quelles pistes, dès lors, pour les aider ? Le rapport s’attèle à deux grandes problématiques spécifiques qui traversent le champ de l’enfance : le TDAH et la dépression de l’enfant.

Les résultats que livre le rapport sont édifiants : en dix ans (entre 2010 et 2021) on observe « une augmentation considérable de la consommation de médicaments psychotropes chez l’enfant, a fortiori hors Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) et hors recommandations, ainsi qu’un risque de substitution des pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales de première intention par des pratiques médicamenteuses »[2]. Et le rapport précise un chiffre stupéfiant : la consommation de psychostimulants (méthylphénidate) chez l’enfant a augmenté de 116% en 10 ans[3].Devant de tels résultats, il est légitime de poser la question : comment ce rapport est-il scientifiquement fondé ?

L’état des lieux établit par ce rapport s’appuie sur des expertises et des rapports publics basés sur des données chiffrées récentes et convergentes des institutions actuelles de la santé telles l’OMS, l’INSERM, l’AITH (Agence technique de l’information sur l’hospitalisation), le HCSP (Haut Conseil de la santé publique), Santé publique France et l’IGAS(Inspection générale des affaires sociales) pour démontrer que s’agissant de la santé mentale, la demande de soins est en hausse et l’offre en crise.

Pour mettre en évidence l’augmentation continue de la consommation de médicaments psychotropes chez l’enfant, ce rapport se réfère à des articles classiques de psychopathologie comme la revue de Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l’Adolescence, les Annales Médico-psychologiques ou L'information psychiatrique. Il repose également sur une épistémologie de la recherche biomédicale en santé mentale de l’enfant très rigoureuse avec des études parues dans des revues internationales en langue anglaise, telles The Lancet Psychiatry, l’European journal of clinical pharmacology, Journal of Epidemiology, l’American Journal of Psychiatry, L'Encéphale, Nature.

Quant à la méthodologie utilisée, elle est clairement expliquée. Outre le recours à la littérature spécialisée et multi-référencée et à un travail d’épidémiologie rigoureux, le rapport résulte de « la mise en œuvre de groupes de travail de spécialistes, de représentants des pouvoirs publics, d’associations, d’institutions et d’acteurs concernés »[4].

Quant à l’expertise épidémiologique sur la santé mentale des enfants, elle a recouru à l’aide de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), et d’EPI-PHARE. Ce groupement d’intérêt scientifique, constitué en 2018 par l’ Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), est spécialisé dans les études de pharmaco-épidémiologie. Il apporte une expertise publique et réactive. Indépendant des industries pharmaceutiques, il étudie des données très récentes grâce à son accès aux informations du Système national des données de santé (SNDS) qui est une base de données unique au monde, nourrie des données anonymisées des hôpitaux et de remboursement de l’assurance maladie – dont les actes, consultations et prescriptions de 67 millions d’assurés sociaux en France[5].

Ces calculs complexes et ces résultats chiffrés constituent le fondement scientifique de ce rapport.

Rappelons, puisque nous sommes des psychologues freudiens, un des tout premiers textes de Freud longtemps resté inédit: l’Esquisse d’une psychologie scientifique [1895]. La science était aux commandes dès le départ, et « ses patients sont venus à lui au nom de la science »[6], explique Lacan. Ce rapport du HCFEA questionne la souffrance psychique de l’enfant, son angoisse. Si les Psychologues freudiens l’apprécient, c’est parce qu’il fait une place à leur orientation qui tend à écouter les enfants, au un par un.

Aujourd’hui, existe une pente au déni de l’inconscient. Nous n’avons de cesse de démontrer l’hypothèse de l’inconscient. La découverte freudienne a produit une éthique, un véritable choix de vie et actuellement de société. Cette éthique donne au symptôme la valeur d’une énigme à déchiffrer, il ne peut donc être réduit à un trouble comme en médecine organique. Le lien à l’autre est de ce registre : s’unir à quelqu’un ou demeurer seul, s’engager ou non dans l’aventure de la parentalité, pratiquer une activité professionnelle mettant en jeu la responsabilité personnelle. Ce sont des choix. Ils ne se prescrivent pas autoritairement, et leurs coordonnées sont toujours singulières[7].



[1] Conseil de l’Enfance et de l’Adolescence, Rapport « La Santé Mentale des Enfants Aujourd’hui », résumé 30 pages, disponible sur internet, p. 1.

[2] Conseil de l’Enfance et de l’Adolescence, Rapport « La Santé Mentale de l’Enfant », résumé 6 pages, disponible sur internet, p. 3.

[3] Ibid., p. 4.

[4] Conseil de l’Enfance et de l’Adolescence, Rapport, résumé 30 pages, op. cit., p. 2.

[5] https://www.epi-phare.fr.

[6] Lacan « La science et la vérité », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 857.

[7] Lacan « Introduction à l’édition allemande des Écrits », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 554.

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