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Retour sur l’autisme : contre le dogmatisme




Gaëlle Chamboncel
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Lors de la soirée du 17 octobre 2022 intitulée « Autisme : contre le dogmatisme », l’association des Psychologues freudiens a invité Patrick Landman, François Leguil et Jean-Claude Maleval – co-auteurs de la brochure intitulée : « Position psychanalytique contre le dogmatisme appliqué à l’autisme[1] » – à revenir sur les questions cruciales concernant la clinique de l’autisme. Vous trouverez le texte intégral de cette conversation dans la revue de l’association des Psychologues freudiens parue en février 2023.


La brochure[2] nous offre un état des lieux, qui se révèle indispensable pour appréhender la situation actuelle de la clinique de l’autisme.


Les auteurs ont épinglé des éléments essentiels qui touchent à la clinique et la politique de l’autisme, et qui ont de réelles répercussions sur la clinique psychiatrique. P. Landman, F. Leguil et J.C. Maleval sont très clairs : quoi que disent les détracteurs de la psychanalyse, la causalité de l’autisme n’est pas neurologique ou biologique. Elle demeure insaisissable, et, de surcroît, sans doute multifactorielle. En effet, la plasticité psychique est un attribut de l’autiste, comme de tout sujet ; on ne saurait donc le prédéterminer. De fait, aucune thérapie génétique ou médicamenteuse n’a eu jusqu’à aujourd’hui d’efficacité significative en matière d’autisme.

Ces mêmes détracteurs ont énoncé des contre-vérités affirmant que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) seraient les seules validées permettant « d’atteindre un niveau d’éducation et d’intégration dans la société dans la majorité des cas[3] ». Pourtant, la Haute Autorité de Santé (HAS) précise qu’aucune méthode de prise en charge de l’autisme n’est scientifiquement validée. En 2016, un tour de plus est effectué avec le dépôt au parlement d’un projet de résolution d’inspiration autoritaire et illibérale. Yves Vanderveken précise que « cette résolution, visait à supprimer la liberté de choix des parents, du thérapeute, bref, de chacun, quant à la thérapeutique censément appliquée à l’autisme, et à imposer les seules techniques comportementales et cognitives, ainsi qu’à faire « interdire et condamner[4] » par le gouvernement […] la pratique de la psychanalyse avec les autistes[5] ». Après le rappel de la Cour de cassation en 2018, la HAS persiste à recommander trois méthodes cognitivo-comportementales : la méthode ABA, le programme de développement de Denver et la méthode TEACCH. Ces thérapies s’appuient principalement sur des méthodes éducatives, basées sur un apprentissage péremptoire et forcé, qui n’ont qu’un faible niveau de preuve d’efficacité. En outre, il n’y a pas « de différence notable quant à l’efficacité thérapeutique de toutes les thérapies de bonne foi, quelles que soient leurs références théorique[6] ».

Bien que non obligatoires, ces recommandations ont marqué le champ de la clinique de l’autisme et celui de toute la psychiatrie ; un mouvement de dépathologisation gagne du terrain depuis plusieurs années ; la référence au cerveau tend à réduire toujours plus l’hypothèse du sujet de l’inconscient. En effet, avec l’omniprésence de la neuro-imagerie, l’autisme, sorti du champ de la santé mentale, est passé dans la catégorie du handicap et des troubles neuro-dévelopementaux (TND). Dès lors, on a vu croître de façon exponentielle le nombre des personnes adultes et enfants atteintes de trouble du spectre autistique (TSA). La prise en charge des autistes qui s’appuie sur les TTC et les traitements médicamenteux et ayant pour objectif premier d'en modifier les manifestations comportementales, est, en réalité, basée sur une réponse éducative normative qui vise l’universel. À ce titre, Josef Schovanec, autiste militant qui œuvre pour la dignité des personnes autistes, dénonce un véritable scandale de l’autisme.

Les diagnostics de TSA, ont le vent en poupe : « tous autistes ! ». Vertueux, ils induisent une réponse unique pour tous[7] dans le seul but de corriger un comportement, et, in fine, font fi du sujet de l’inconscient.

Avec la création du Centre d’Études et de Recherches sur l’Autisme (CERA) en 2017 – à l’initiative de Jacques-Alain Miller – la psychanalyse et l’enseignement de Lacan non seulement donnent des outils pour lire les symptômes propres à l’être parlant, mais ils rendent sensibles les enjeux de la lutte contre la dérive d’une « volonté d’égalité[8] », c’est-à-dire à contrer l’universel[9].

[1] Landman P., Leguil F., Maleval J-C., Position psychanalytique contre le dogmatisme appliqué à l’autisme, disponible sur internet. [2] Ibidem. [3] Landman P., Laguil F., Maleval J.-C., « Position psychanalytique contre le dogmatisme appliqué à l’autisme », Actes de la conversation des Psychologues freudiens avec les auteurs de la brochure, février 2022. p. 4. [4] Assemblée nationale, « Proposition de résolution », disponible sur internet. [5] Vanderveken Y., « Retour sur la clinique et la politique de l’autisme », Quarto n°132, Décembre 2022, p. 30. [6] Revue des Psychologues freudiens, P. Landman, Leguil F., Maleval J-C., Position psychanalytique contre le dogmatisme appliqué à l’autisme, février 2023, p. 7. [7] Cf. Mise en place dans les services de psychiatrie systématique de protocole de prise en charge par critère diagnostique. [8] Poblome-Aulit C., Éditorial, « Clinique et politique de l’autisme », Quarto, n°132, 2022, p. 7. [9] La Sagna P., Adam R., Contrer l’universel, Éditions Michèle, 2020.

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