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Lettre à mes collègues psychologues, au sujet du lancement de « Monpsysanté »

Nathalie Georges Lambrichs


Chères et chers collègues psychologues, nouveaux et anciens,

Il ne vous aura pas échappé que vous recevez beaucoup d’informations ces derniers temps de la part de ceux qui nous gouvernent ? Bien faites, répandues dans des réseaux connus pour leur efficacité, pressantes et séduisantes, elles vous arrivent chez vous, dans votre solitude, après ou avant une journée de travail… Elles pourraient, parce qu’elles émanent du gouvernement auquel, comme citoyen, vous êtes soumis, vous intimider.

Je vous propose de ne pas suspendre devant ces invitations un tantinet directives ce qui fait le cœur de notre travail, à savoir l’interprétation.

Il y a là, en effet, une étrange précipitation.

Il nous faut examiner de quelle nature est l’intérêt que le gouvernement porte à notre profession. Sans doute le président de la République qui a fait des annonces retentissantes en septembre 2021 aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, a-t-il balisé le chemin de ces nouvelles mesures. En tout cas, cette manière de démocratie directe inversée, où le pouvoir politique tranche dans le vif et sans consulter personne, au mépris de tout ce qui a été par les professionnels mis au point et à l’épreuve en fait de dispositifs d’offre d’accueil ou de soins, ne peut pas nous laisser cois. Il est clair que notre profession est la cible d’une campagne qu’il nous faut situer : ne sommes-nous pas depuis longtemps en guerre avec le pouvoir, défendant à cor et à cri notre spécificité, notre autonomie et même notre diversité ?

Or le ministre semble résolu par tous les moyens dont il dispose et qui ne sont pas peu, à passer en force : à couvert de garantir aux praticiens méritants des revenus professionnels fixes, il est prêt par calcul, ignorance ou les deux, à défaire à grande vitesse tout ce que la profession a tricoté, avec tact et mesure, de principes et de savoir-faire, si diversifiés que soient les fondements, les choix théoriques et les pratiques cliniques de l’ensemble original et riche que nous formons. Son intention dépasse nos personnes, nos actions ; il s’agit de reconfigurer tout le dispositif de santé, comme celui de l’éducation d’ailleurs.

Loin de considérer que ce que nul n’ignore, à savoir que, hors hiérarchie médicale, le psychologue est le partenaire naturel des médecins, car c’est bien ce que nous sommes, entre autres, voilà que le Ministre fait soudain appel au volontariat, en agitant des récompenses pour les plus rapides à se faire recenser, au mépris de leur identité, de leur statut, de leur liberté de pensée et d’action, pour, honneur suprême, intégrer la hiérarchie médicale… !

La cascade de conséquences est devant nous. La profession qui a toujours refusé cette intégration, va-t-elle se laisser diviser ?

Elle paraît être déjà divisée sur ce chapitre du remboursement des consultations, certains se résignant à payer ce prix pour y accéder, tandis que d’autres, sans doute les plus nombreux, y restent tout à fait opposés et défendent le maintien, l’augmentation même, des consultations publiques et associatives gratuites, parallèlement au statut de psychologue libéral indépendant et libre de choisir son orientation et le contrôle de ses pratiques.

SI personne ou peu de psychologues se présentent comme volontaires, le dispositif aura vécu et il faudra bien reprendre la question à nouveaux frais, c’est-à-dire consulter les premiers intéressés que nous sommes.

Il est donc urgent de rappeler que rien n’oblige aujourd’hui quiconque d’entre nous à se précipiter pour adhérer à ces dispositifs mis au point sans concertation.

Rien sinon l’angoisse. Nous savons que cet affect indique la présence d’un désir empêché ou contrarié. Un désir spécifique anime les psychologues praticiens qui payent de leur personne pour se former tout au long de leur « carrière ».

C’est pour lui faire sa place que nous relançons notre association.

Prenons le temps de réfléchir ensemble aux moyens de préserver pour le public

  • le droit de choisir son psy, le droit d’avoir accès à des consultations et des entretiens gratuits en cas de besoin ;

  • le droit de garder à notre exercice professionnel le minimum de dignité, faute de quoi c’est la honte qui pourrait bientôt nous faire taire.

Car enfin de quel droit un ministre de la santé s’immisce-t-il dans les arcanes du « soin psychique », et pire, de la vie psychique, de l’intimité de la personne qui est la sphère d’intervention du psychologue travaillant à préserver la discrétion absolue pour ceux qui se confient à lui ?

Il y a des paroles qui ne doivent s’écrire dans aucun dossier.

Celles et ceux qui en sont dépositaires en sont responsables, c’est à eux que revient le devoir d’en faire savoir en cas de péril.

La profession de psychologue a droit au respect de la part des gouvernants.

Parfois, ceux-ci, surchargés, pourraient l’oublier.

Nous le leur rappelons donc, avec tout le respect que nous avons pour leur action.

Ils ont leur impossible, nous avons le nôtre.

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