À propos de l'amendement 159 : M'enfin![1] De quoi parlons-nous?
- Hélène De Swarte et Nathalie Georges Lambrichs
- 23 nov.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 6 jours

Quel drôle de circuit pour attaquer, éradiquer les symptômes que seraient la psychanalyse et les praticiens qui s'en orientent : le financement de la sécurité sociale pour 2026 et la proposition d'un amendement !
Il s'agit tout de même de se le dire à haute voix pour ne pas penser que c'est une blague de mauvais goût ! : « A compter du 1er janvier 2026, les soins, actes et prestations se réclamant de la psychanalyse ou reposant sur des fondements théoriques psychanalytiques ne donnent plus lieu à remboursement, ni à participation financière de l'assurance maladie [...] Cet amendement ne remet pas en cause la liberté de choix des patients ni la liberté de pratique des professionnels. Il se borne à mettre fin au financement public de la pratique, quels que soient les dispositifs de financement : Mon Soutien Psy, centres médico-psychologiques, etc... En recentrant la dépense d’assurance maladie sur les soins ayant un bénéfice médical avéré, il s’agit de favoriser la diffusion de pratiques thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé, notamment les approches comportementales, éducatives et de réhabilitation psychosociale. »
En conséquence, nous parlons bien des nombreux patients accueillis au sein des institutions, qui tiennent debout, qui se verront refuser leur choix d'être écoutés, d'être accompagnés sans préjugé, sans savoir valable pour tous. Dans l'article « Psychothérapie et Psychanalyse », Jacques-Alain Miller indiquait : « L'analyste ne sait pas, c'est-à-dire il ne préjuge pas de ce qu'il te faut à toi en tant que distinct de tout autre.[2] »
Nous parlons bien de ces recommandations de l'HAS qui, comme son nom l'indique, ne sont que des recommandations et en rien des obligations pour le patient comme pour les praticiens.
Ne pouvant pas rendre obligatoires ces recommandations, ils tentent donc de supprimer et d'interdire la psychanalyse, existante depuis plus d'un siècle et qui a fait ses preuves, par la proposition de cet amendement !
Nous parlons bien de tuer dans l’œuf les liens transférentiels qui sont le moteur de la rencontre puisqu’ils mettent en jeu les passions de l’être, et, notamment, l’amour, lequel a sa doublure de haine sur fond d’ignorance. L’époque des Uns-tout-seuls inspire au maître ces dispositifs anonymisés qui entendent canaliser (canalyser ?) les « populations ». Notre clinique y fait limite et nous oblige à des inventions pour rendre cette atmosphère respirable à tout.e un.e chacun.e qui souffre mais n’entend pas pour autant se résorber dans ces flux. Or, le transfert est pour tous, comme le savent tous ceux qui ont choisi de travailler avec leurs semblables, tous les praticiens dans le champ clinique (médecins, orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs, psychologues, psychanalystes) et, pas moins, les enseignants. Quant à ceux qui nous gouvernent, et recherchent la proximité avec ceux qu’ils administrent, ils le savent aussi.
L’air du temps est aujourd’hui lourd, chargé ; nous tentons d’y aménager des poches plus respirables, où la confiance en soi quand elle vient à manquer, puisse s’étayer sur un autre, capable de mobiliser des forces telles qu’un sujet puisse la retrouver.
Le transfert c'est ce qui reste aux praticiens pour tenir bon dans les institutions, il est une boussole pour mieux accompagner les patients. Afin que la parole prise dans les rencontres avec un praticien orienté par la psychanalyse puisse produire des modifications subjectives, il est essentiel que le patient ait supposé un certain savoir à ce praticien, c'est à dire qu'il ait eu le choix de celui-ci.
L'amendement 159 a été retiré le 23 novembre au matin. Pour autant, il est nécessaire de savoir ce qu'il en est de l'envers de cet amendement, que chacun de nous, citoyens, et/ou analysant, et/ou praticiens en institutions et/ou en libéral et/ou psychologues freudiens, puissions lire avec nos yeux éveillés l'enjeu que représente cette proposition d'amendement !
M'enfin, un peu de sérieux !
[1] Réplique culte de Gaston Lagaffe, Franquin
[2] Miller J.-A., « Psychothérapie et psychanalyse », La Cause Freudienne, n°22,1992, p. 3-7.