top of page

Communiqué des Psychologues Freudiens le 27 novembre 2025

Hold up sur la psychiatrie !

ree




Une proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique (n°385)[1] met les psychologues en alerte. Cette proposition sera présentée au Sénat, en première lecture, à partir du 16 décembre 2025. Elle relève d’un lobbying forcené de la part de centres privés.

Leur but ? S’emparer des fonds publics et imposer une idéologie neuroscientiste à tous les praticiens du soin psychique. Couplé avec le fait que la HAS « réfléchit à rendre opposables certaines de ses recommandations » et la mâchoire se referme.

Les neurosciences imposeraient une seule vision du soin psychique, centrée sur le cerveau. C’est le fait de pouvoir parler, être accueilli, accompagné et suivi qui est en danger de disparition. En s’octroyant le monopole du diagnostic et des recommandations de soins, les centres experts entraîneraient la disparition de toutes les thérapies qui s’appuient sur les ressources de la parole. Cette proposition de loi, si on en juge par les conséquences concrètes qu’elle produirait, est équivalente à l’amendement 159 au PLFSS tant décrié par les professionnels de la santé mentale.

Actuellement – aucune preuve de l’efficacité de ces centres experts ne nous est donnée, une étude publiée le 28 mai 2025 le démontre[2]. Certes, on trouve sur leur site publicités et autopromotions, mais la publicité n’est pas une preuve scientifique. Pour des personnes qui ne cessent d’exiger l’évaluation scientifique des pratiques de la parole, nous ne pouvons que déplorer qu’ils ne s’appliquent pas ces exigences à eux-mêmes. Le neurobiologiste François Gonon juge leurs arguments irrecevables[3]. Il indique que statistiquement il y a une courbe qui est toujours la même : après une période de mal être, les gens vont mieux et se restabilisent, avec ou sans centre expert.

Cette proposition de loi indique que ces centres experts sont « coordonnés médicalement et scientifiquement par la fondation de coopération scientifique dite FondaMental. »[4] Celle-ci s’appuie sur une approche de la souffrance psychique centrée sur la seule causalité neuronale. Elle promeut une approche managériale, comportementale et bio médicale des questions de santé mentale. Elle soutient une conception neurologique et génétique de la souffrance psychique, à partir d’hypothèses scientifiques qui datent des années 80-90 et qui sont aujourd’hui, largement réfutées par la littérature scientifique internationale[5].

Il est à noter que le délégué interministériel à la santé mentale est un fervent défenseur des neurosciences, et membre fondateur de la fondation FondaMental. Il ne saurait donc être considéré comme impartial en la matière.

Si cette proposition de loi était retenue, tout l’argent public irait à ces centres experts qui ont pour mission de poser un diagnostic et des recommandations-bien souvent chimiothérapeutiques et de remédiation cognitivo-comportementale. Avec un tel modèle nous nous acheminerions vers un modèle unique de diagnostic et de programme thérapeutique sans la moindre considération pour la subjectivité des patients.

Par ailleurs, l’expérience de terrain témoigne de l’impopularité et de l’inefficacité de ces centres: après une attente allant jusqu’à 3 ans les patients reviennent au CMP, déçus, un diagnostic en poche, mais sans aucune réponse à leur mal être. Avec l’extension et la généralisation de ces centres experts raflant tous les budgets les patients pourront-ils toujours revenir vers les CMP ? Loin de faire des économies – cela coûte ! Nous assistons là à un transfert de fonds, qui s'apparente à un détournement de l’argent des ARS.

Autre problème : avec ce projet de loi on sacraliserait la place de ces centres experts qui deviendraient un passage obligé dans le paysage sanitaire. La promotion d'un tel monopole attaquerait frontalement l’organisation des soins en psychiatrie. L’investissement d’argent dans ces centres experts se ferait au détriment des services de psychiatrie existants, là où les patients sont sérieusement suivis et où les moyens font cruellement défaut. Ces centres experts ne visent pas à accueillir la singularité de la souffrance mais à la faire rentrer dans des cases.

L’association des Psychologues Freudiens défend fermement la possibilité d’aborder les symptômes par leur causalité psychique. Celle-ci ne peut s’appréhender qu’à la condition de laisser parler les patients. Cette possibilité de parole est aujourd’hui menacée.

L’association des Psychologues Freudiens demande le retrait de ce projet de loi. Nous vous invitons à signer et faire suivre largement cette pétition dans vos réseaux.


Le Conseil d’administration des Psychologues Freudiens.


[1] Proposition de loi portée notamment par la Sénatrice Mme Guidez, la même qui a déposé l’amendement 159 au PLFSS.

[2]« La communication de la Fondation FondaMental épinglée pour embelissement de résultats scientifiques », Le Monde du 03 juin 2025.

[3] F. Gonon, Conversation interdisciplinaire avec les Psychologues Freudiens : « Neurosciences et santé mentale : l’envers du décor », le 30 septembre 2025, publication à paraître.

[4]Proposition de loi 385.

[5]Ponnou S., Briffault X. , Chave F. , (2023), « Le silence des symptômes. Enquête sur la santé mentale et le soin des enfants », Nîmes : Champs social édition.

Commentaires


bottom of page