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De l’utilité publique de la supervision

Dernière mise à jour : il y a 5 jours






Au-delà du réel auquel l’institution tente de répondre initialement par son idéal, il y a le réel débordant, le réel morbide qui constitue et cause la venue du sujet dans l’institution qui l’accueille.

Or, c’est parce qu’il y aura toujours un écart entre la cause de l’institution et la cause du sujet, que les dispositifs de parole auront leur raison d’être au cœur du processus institutionnel.

Les demandes de supervision dans l’institution sont souvent formulées à partir de cet écart, voire d’une tension entre « les idéaux d’une institution et la cause du sujet »[1]  que les liens transférentiels (positif et négatif) dans l’institution viendront révéler.

Par sa réponse via la règle collective, l’institution ignore la singularité du lien à l’Autre du sujet qui, par définition, fait symptôme ; l’accueillir a des effets qui peuvent surprendre en amplifiant certains symptômes et susciter en réponse, résistance, réticence, voire passage à l’acte.

Ainsi, la supervision est ce lieu de parole où peut se poser la question de : Comment ménager l’institution et focaliser l’intérêt clinique sur les modes de jouissance toujours singuliers des sujets, eux-mêmes pris dans leurs liens familial et social ? Ce qui implique une autre question : Comment faire en sorte que le sujet accueilli puisse faire un usage particularisé de l’institution ?

Or, depuis plusieurs années, les professionnels que je rencontre – dans les services du médico-social ou du soin – témoignent de l’atteinte portée à cette dimension humanisante du lien social au sein de l’institution.

En raison d’une volonté politique de standardiser les bonnes pratiques à partir du seul modèle neuro-comportementaliste et de favoriser les projets institutionnels qui mettent l’accent sur l’évaluation ou l’expertise au détriment de la thérapeutique, les lieux d’élaboration collective des pratiques font défaut. Face au protocole, la parole qui engage le professionnel est dévaluée, la singularité de la rencontre effacée et la mise en jeu du désir court-circuitée.

Dans ce contexte de domination des discours scientiste et capitaliste, le recours à la supervision s’impose alors comme un lieu de parole où il est possible d’interroger les points d’impasse rencontrés dans la pratique, qui divisent ou angoissent. Il s’agit d’un lieu où un professionnel peut engager sa parole de façon inédite, en interrogeant la notion de danger dans l’accompagnement éducatif d’un enfant en position de pur objet de jouissance de la mère, par exemple.

Si la supervision parvient à faire valoir comment chaque intervenant peut devenir le « partenaire d’un lien »[2], il reviendra, à ceux qui y travaillent, d’assumer la responsabilité d’humaniser la règle collective mais aussi et surtout, de trouver la manière d’y engager leur désir pour faire en sorte que l’institution demeure un lieu d’abri et de soin.

Soutenir l’institution dans ce qu’elle a de vivant nécessite de pouvoir s’y retrouver avec son désir et de savoir comment s’y « rapporter » dans son action, car, comme l’écrit Philippe La Sagna dans son article « De l’utilité publique de la psychanalyse »[3] , « Pour la psychanalyse, les choix et les motivations des hommes ne sont pas des comportements mais des actions ». Précisons que l’efficience attendue de l’action qui porte à conséquence et qui a valeur d’acte, est celle qui tient compte du malentendu de structure entre les êtres parlants, de l’écart entre l’action et le désir et ajoutons, de la valeur « tragicomique » de ce qui rate, comme nous l’apprend la psychanalyse.

Cependant, pour que la supervision incarne ce lieu où ces points pourront être interrogés à plusieurs, il est fondamental que l’institution dont elle procède ne soit pas-toute inféodée à une conception neurocomportementale de l’humain qui ferait barrage à l’élaboration subjective.



[1] Doucet C., « Les pratiques de la supervision : apports de la psychanalyse lacanienne », 8e journée Régionale du CREAI de Bretagne sur l’Institution, octobre 2014, disponible sur internet.

[2] Zenoni A., L’Autre pratique cliniquepsychanalyse et institution thérapeutique, Paris, Éditions érès, 2009, p. 13.

[3] La Sagna P., « De l’utilité publique de la psychanalyse », La Cause freudienne, n°63, 2006.





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