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Persévérer quand les temps changent Une mutation du médico-social : histoire et discours- Partie 1

Dernière mise à jour : il y a 3 jours

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Ces trente dernières années on a pu assister à une mutation radicale du monde médico-social dans le champ de l’enfance et de l’adolescence où peuvent exercer des psychologues freudiens – c’est-à-dire de ces institutions que l’on appelle IME, SESSAD, ITEP, CMPP, etc, et du discours qui les structure. 


Prenons deux exemples.

Fin des années 80, début des années 90. Il s’agit d’un institut médico-éducatif (IME) qui accueille plus d’une centaine de jeunes dits inadaptés. Ils ont bénéficié, pour entrer dans cette institution, d’une notification de la Commission Départementale de l’Éducation Spéciale (CDES), à laquelle se substitueront les Maisons Départementales de la Personne Handicapée, nos actuelles MDPH, en 2005. On parle alors de ces jeunes en IME en termes d’arriération mentale, de retard mental, de débilité légère, moyenne ou sévère et rarement de psychose, pratiquement pas d’autisme. Leur inadaptation est principalement abordée sous l’angle du déficit.

L’association gestionnaire de cet IME, qui s’étend sur le département, a la charge de quelques institutions de ce type – chacune ayant sa direction propre. Le conseil d’administration de cette dernière est composé de bénévoles qui, en ces années, sont dans leur grande majorité eux-mêmes des parents d’enfants dits inadaptés, et à ce titre, militants de leur cause. Certains d’entre eux ont fondé quelques années auparavant cet établissement.  

Le directeur de cette institution est un ancien éducateur, qui a donc une expérience professionnelle solide de terrain. Il sait ce que c’est que de s’occuper d’enfants et d’adolescents dits inadaptés et qui présentent des difficultés majeures sur le plan du comportement et de la vie au quotidien. D’expérience, il sera sensible à un autre discours, permettant de s’éloigner de la dimension du déficit et du handicap. Il a éprouvé lui-même, par son expérience d’éducateur, que le discours du déficit est mortifiant et ne permet pas de s’orienter. Sensible au transfert et à ce que peut apporter la psychanalyse, il soutiendra le déchiffrage clinique au quotidien, soutenant la création de réunions cliniques avec les éducateurs, mais aussi l’organisation d’une journée d’étude ouverte à la psychanalyse, puis de moments de formation avec des psychanalystes sur des questions cliniques complexes.

Tous les ans, le directeur rencontre des représentants de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales et fait remonter les besoins en termes budgétaires (postes, etc.). La DDASS lui répond favorablement ou non. 2010 verra la création des Agences Régionales de Santé (ARS), qui se substituent aux DDASS. Il s’agit d’un changement en profondeur du paradigme de contrôle et de financement. En particulier, se met en place, peu à peu, une logique d’appel à projet. Le vecteur a changé d’orientation : là où, auparavant, le directeur faisait remonter des demandes de financement liées au terrain, à compter de 2010 la logique s’inverse, c’est l’ARS qui publie des appels à projets et l’association gestionnaire peut se proposer d’y répondre, l’offre allant au mieux disant… Par la suite, via ce vecteur descendant, seront transmises des recommandations dites de bonnes pratiques. Ces recommandations, émanant d’une instance supérieure, ladite Haute Autorité de Santé (HAS), en impose en dictant un devoir-être, un devoir-faire, là où l’expérience de rencontre et de parole avec les jeunes permettait d’élaborer un savoir-faire sur-mesure, au cas par cas. Cela vaut aussi pour les parents des jeunes accueillis dans cet IME : en 12 ans d’expérience, nul conflit, nulle mise en cause des pratiques, nul reproche sur une supposée culpabilisation des parents. Il put y avoir des rencontres tendues ou difficiles, mais le transfert à plusieurs au sujet de l’importance de la parole et de l’identification de l’Autre avec lequel tel parent « jouait sa partie » a toujours permis un accueil finalement apaisé. Soulignons le transfert, la pratique au « un par un », le respect des semblants, le savoir émanant de la rencontre clinique concrète du jeune, par ses éducateurs et ses psys, hors toute volonté d’application d’un savoir préformé extérieur.


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