Un principe fondamental de déontologie
- Lebeaud Marine
- il y a 19 heures
- 3 min de lecture

Après avoir suivi un cursus universitaire au courant intégratif, j'ai décidé de me former par la suite aux TCC, qui sont devenues progressivement le cœur de ma pratique professionnelle.
Pour autant, à l'instar de la majorité de mes consœurs et confrères, je m'insurge face à l'amendement 159, proposé au Sénat, et qui fort heureusement, grâce à une forte mobilisation des praticiens de la santé mentale, a été retiré.
Selon moi, la psychanalyse est terreau de la psychologie clinique. La renier aujourd’hui serait comme si la langue française décidait d’oublier ses racines latines.
Car que resterait-il de la thérapie sans le transfert, sans résonance de l’inconscient, l’analyse des actes et toutes les lectures que les concepts psychanalytiques nous offrent ? Ce sont ces notions qui ont donné une profondeur, une épaisseur humaine à notre compréhension de la souffrance. On ne standardise pas un entretien clinique comme on standardise un dosage sanguin. Et heureusement. Car c’est dans cette liberté-là que naît la rencontre.
La richesse de notre métier réside précisément dans sa pluralité et dans la complémentarité de ses approches.
Il serait bien présomptueux d’affirmer que seules les thérapies brèves sont efficaces. Chaque approche possède ses spécificités, ses atouts et ses limites. Un professionnel qualifié saura toujours réorienter un patient si ses compétences ne permettent pas un accompagnement optimal : c’est un principe fondamental de déontologie.
De plus, il est nécessaire de rappeler que les grands principes psychanalytiques se retrouvent dans chaque courant sur lequel s’appuie un psychologue clinicien. Dans les TCC, comme dans toutes les approches, l’alliance thérapeutique est le fondement de la relation entre le patient et le soignant. L’analyse du transfert et du contre-transfert permet d’affiner le positionnement clinique et l’analyse des schémas relationnels activés. Et pour travailler autour de cela, bien que les TCC soient centrées sur l’ici et le maintenant, il semble impossible de ne pas se questionner sur les expériences infantiles précoces. De plus, comment accueillir la souffrance d’un patient sans reconnaître la dimension symbolique de ses mots, de ses silences, de ses gestes ?
J’ai la chance immense de travailler aux côtés d’une psychologue ayant une approche psychanalytique. Son regard, son écoute, sa manière de laisser émerger l’impensé…, tout cela m’aide à voir mes propres limites, mes angles morts et ainsi affiner ma pratique quotidienne.
La psychanalyse est également un support très précieux dans les dynamiques institutionnelles. Comment pourrais-je accompagner des équipes sans explorer avec elles les mouvements transférentiels et contre-transférentiels qui les traversent ? Sans entendre leurs projections, leurs peurs, leurs colères silencieuses ?
Et puis, qu’en est-il de ceux qui ont trouvé, dans l’approche analytique, un espace pour respirer enfin ? Car si certaines études n’ont pas mis en évidence l’efficacité des approches analytiques, qu’en est-il du ressenti des patients ? Renier la psychanalyse, ce serait renier la souffrance de ceux qui y ont trouvé un soutien, une béquille, un espace pour se reconstruire — voire pour se construire. Dans cet amendement, les grands oubliés sont les patients eux-mêmes.
Rappelons-le, quelle que soit notre obédience, être psychologue, c’est cinq années d’études, des recherches, des enseignants passionnés, des nuits passées à lire, comprendre, douter. Qui n’a jamais cité Freud, Lacan ou Winnicott dans un mémoire, quelle que soit son orientation ? Nos racines sont multiples, nous permettant de nous adapter au mieux à la clinique du patient. Si aujourd’hui nous voyons arriver de nombreux psychopraticiens autoproclamés dans les activités libérales, il me semble inenvisageable de remettre en question le bagage universitaire solide de mes confrères et consœurs, ayant reçu un enseignement dirigé par professeurs, chercheurs et universitaires.
Rappelons-le, l’année 2025 est l’année de la santé mentale. Une de ses missions principales est l'amélioration de l'accès aux soins. Alors laissons le choix au patient de s’orienter vers le thérapeute dont il a besoin.
Si cet amendement doit laisser une trace, alors j’espère que ce sera celle-ci : nous rappeler, à nous psychologues, que notre diversité est notre vraie richesse. Que c’est parce que nous pensons différemment que nous pouvons accompagner plus justement. Et que l’apaisement psychique ne naît jamais d’une méthode unique, mais de la rencontre entre deux humains, chacun avec son histoire, sa sensibilité, son inconscient.
![À propos de l'amendement 159 : M'enfin![1] De quoi parlons-nous?](https://static.wixstatic.com/media/6127ac_0a6551a7c929410691c4d8f210c8c572~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_651,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/6127ac_0a6551a7c929410691c4d8f210c8c572~mv2.jpg)


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