Écho de la soirée des PF : le paradoxe de l’autonomie
- Élodie Vittori
- 11 oct.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 oct.

Peut-on prescrire l’autonomie à un enfant ? Voilà une des questions qui a traversé la soirée des PF [1], à partir de l’intervention de François Gonon, en réponse à la question d’un des correspondants des Psychologues freudiens. Dans le champ des neurosciences, l’autonomie est souvent érigée comme un objectif prioritaire. Les troubles neurodéveloppementaux — TND, dyslexie et autres dys-, TDAH — sont envisagés sous l’angle d’un déficit qui doit être mesuré et réparé, en vue d’une autonomie fonctionnelle objectivable.
Mais François Gonon l’a rappelé avec force : l’autonomie ne se décrète pas. Vouloir l’imposer comme norme universelle produit souvent l’effet inverse. On culpabilise les familles, on met les enfants en échec, comme si l’autonomie pouvait se commander à volonté, tel un apprentissage technique, alors qu’il s’agit d’un processus intime, qui prend du temps et qui ne peut être standardisé.
L’enfant, insistait-il, ne peut être réduit à un programme d’acquisition de compétences. Son autonomie véritable naît de l’expérience singulière d’un lien, de la rencontre avec un Autre qui soutient, et du temps nécessaire à chacun pour s’approprier ses propres possibilités.
Le commentaire d’Éric Zuliani prolongeait cette réflexion en soulignant l’évolution des termes administratifs. Dans la culture du « handicap », le mot « guérison » n’a pas cours. Ce glissement lexical n’est pas anodin : il enferme l’enfant et sa famille dans une identité figée, réduisant l’avenir à l’obtention de la bonne compétence. Là où l’on pouvait envisager une transformation, s’installe désormais une fatalité.
L’orientation lacanienne, elle, ouvre une tout autre perspective. Comme l’enseigne Lacan, le sujet ne se réduit pas à ses déterminations biologiques ou comportementales. C’est toujours à partir de la dépendance au discours de l’Autre et de la mise en lumière d’un symptôme qu’un chemin singulier peut s’inventer. L’autonomie, lorsqu’elle advient, n’est jamais le fruit d’une prescription, mais l’effet imprévisible d’un désir né d’un travail avec le langage.
En ce sens, la psychanalyse chemine à contre-courant du discours dominant. Elle ne vise pas l’idéal d’une autonomie universelle, ni l’étiquetage d’un « handicap à vie », mais soutient la possibilité pour chaque enfant d’inventer sa manière propre de faire avec sa difficulté. C’est dans ce respect du singulier que réside la véritable valorisation du sujet.
Et si, plutôt que de prescrire l’autonomie, nous acceptions d’accompagner le paradoxe qui la rend possible ?
[1] Neurosciences et santé mentale : l’envers du décor, Soirée webinaire organisée par les Psychologues freudiens le 30 septembre 2025. Conversation interdisciplinaire avec François Gonon et Éric Zuliani.
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